Dans ta face Monique

Je me pointe à la caisse, fraîchement ressortit de l'allée des cosmétiques, claudiquant avec un panier plein dont les roues accablées se plaignent lorsqu'il avance.
- Dis moi grosse conne de caissière, cet ensemble de maquillage de jour conviendrait-il à un cadavre?
- Comment m'avez-vous appelée?
- Monique... dis-je pour éviter une gourde, m'inspirant de l'étiquette révélateur, tout bonnement microscopique en comparaison aux plombs énormes et croulant sur lesquels il reposait.
- Dispose du macchabée avant que l'odeur n'avertisse tes voisins plutôt que de le déguiser en vivant. Pauvre con tu ponds que des plans foirreux.
Elle en savait trop. Elle connaissait l'odeur dégagée par les morts, l'existence d'un mort en ma possession et semblait savoir que j'avais des voisins. J'ai un sens aigü du louche. Je le sais, l'aperçois et l'éradique avant même qu'il ne soit conçu. Je lance ma cape blanche au visage de la caissière qui ne cri pas mais qui commence immédiatement à se débattre. Elle n'arrive pas à s'extirper de mon tissu honorable. Je saute sur son comptoir et lui assène un coup de pied marteau sans lésiner sur l'extra bottes de construction au moment même où elle se dégage de mon filet de fortune. Son crane craque. Mes pantalons de lin blancs se salissent instantanément. De la matière grise me ternit des cuisses jusqu'aux bouts de mes souliers en alligator, parfaits pour la conduite. Je saute par terre, un morceau d'occipital acculé à ma semelle droite échappe un bruit similaire à celui d'une croustille qu'on croque avant que je l'essuie du tranchant de mon majeur, puis je dépose, entre deux éclaboussures cinglantes, un tas de pièces non nonchalamment. Certaines roulent, laissant une mince trace de sang derrière elles, jusqu'au bord du comptoir, puis rejoignent le sol bruyamment avant de tracer sinueusement sur le carrelage des lignes, probablement limitrophes du monde vivant et du domaine qu'a rejoint Monique.
- Garde la monnaie murmurai-je avec un inébranlable air de dédain accroché au sourire.
La porte coulissante de par laquelle je débouchai sur le monde extérieur me fit l'effet de portes battantes à l'entrée d'un saloon. Le soleil plombait comme il plombe toujours. Des cigales donnent une voix à la canicule. Elles associent un son à la chaleur pestilentielle. Ma voiture garée au centre du stationnement attire l'attention des vautours qui la surplombent comme une auréole revendicatrice. Ces enflures d'oiseaux ont flairé la décomposition lente qui amenuise la chaire, probablement déjà noircie, de la petite fille (ou était-ce un garçon?) que nous avions kidnappée, violée et assassinée la semaine passée, dans le cadre d'une performance artistique publique et improvisée. J'arriverai à ma voiture dans les prochains jours si l'épopée au travers du stationnement aride ne me coute pas la vie. Je m'ennuie de mes amis. Ils doivent présentement travailler sur notre prochain projet. Je dois exécuter ma tâche. Je dois disposer du nauséabond sac d'entrailles et d'os qui encombre et alourdit inutilement l'espace de ma voiture.

J'entame la marche. Tous mes pas vibrent du bas de mes jambes jusqu'au haut de mon scalp. J'ai la dalle. Les fientes de charognards ailés qui pleuvent autour de ma personne me contraignent a déployer mon parapluie. Les semelles de mes tennis usée s'épuisent un peu plus à chaque impact. Les secondes succèdent aux heures et l'asphalte en ébulition devient patinoire au coucher du soleil. Le vent souffle dans ma cape blanche qui agit en voile me propulsant vers ma voiture. Des carrosseries bosselées ponctue mon déplacement comme des virgules pour des phrases écrites sans structure ni considération pour le lecteur. Tous les propriétaires de ces engins rouillés d'ennui manquaient de tempérament et ont surement dut dépérir avant de retrouver leurs minounes. Épuisé, je dépose mon cul sur un dos d'âne. Mes sandales neuves éraflent mes chevilles qui lentement cicatrisent en étreignant les ganses comme un arbre pousse au travers d'une cloture. Un chient errant, sans collier, sans poil, sans tête et sans gorge aboie dans mon dos. Je me retourne pour ne rien voir. Désemparé, j'extirpe de ma poche un papier froissé au dela de tout entendement, mon diplôme d'études secondaires. Pour un bref instant, je ne suis plus n'importe qui. Je me relève pour constater que ma voiture a disparue. J'apperçois à sa place, l'endroit où j'aurais du la retrouver, le cadavre odorant. J'ai pris tant de temps à revenir sur mes pas que la voiture s'était décomposée avant le corps frêle qui gisait désormais nu devant tous les rapaces du tourbillon de plumes sombres.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

tu écris vraiment fucktopement hugo. continue sérieux.

la blonde a chris



ou gab.

Anonyme a dit…

J'aime l'insertion des performances publiques, très nice.

"Le soleil plombait comme il plombe toujours." = Meilleure phrase.

C'est bien ce que t'écris Hugo.

-Éléonore.